Nous publions ici une mise au point en réponse à une vive critique reçue ces jours-ci sur le travail de Pascal Bernard et Véronique Musson-Gonneaud et la conception des Popharpes en carton.

Réponse de Véronique et Pascal à Monsieur D. – 21 juillet 2017

Monsieur,
Vous venez de nous adresser un courrier accusateur fort désagréable (dont nous reproduisons un large extrait ci-dessous) auquel nous souhaitons répondre publiquement afin de lever des malentendus dommageables. Nous profitons donc de l’occasion pour reformuler des précisions indispensables sur notre travail et notre modèle de harpe en carton.
Contrairement à ce dont vous nous accusez, nous n’avons jamais prétendu que notre invention résidait dans « l’utilisation de carton pour la caisse de résonance, et la simplicité extrême du triangle de bois ».
En revanche, nous avons considéré que l’utilisation du carton comme caisse de résonance était une excellente idée dans la mesure où cela impactait grandement le coût final, mais pas vraiment la qualité ni la performance par rapport à une caisse de résonance en bois : en effet, ce n’est pas là que réside notre apport.
Les propriétés acoustiques du carton sont connues depuis longtemps. Elles nous avaient d’ailleurs été indiquées, bien avant que l’on ne connaisse les harpes de Waring, par des chercheurs du Laboratoire d’Acoustique Musicale du CNRS.
Nous respectons beaucoup le travail de Dennis Waring et la porte qu’il a ouverte avec sa  Waring harp  (qui d’ailleurs ne date pas d’hier). Nous rappelons d’ailleurs régulièrement, lors de nos stages, comme devant les médias, que le « déclic » et l’énergie pour entreprendre nos recherches, nous est venue de leur découverte. Ce qui, dés le départ, nous a éloigné des harpes de Dennis Waring, c’était le pari de faire des harpes en carton pouvant répondre à un usage musical plus « classique » et exigeant.À l’époque — nous pouvons vous l’assurer — personne, parmi les luthiers comme parmi les harpistes, ne nous prenait au sérieux. Nous avons persévéré par intérêt, amusement, un peu aussi, il faut bien le reconnaitre, par défi, et enfin pour des raisons personnelles parce que nous avions beaucoup souffert du coût des harpes.Pour parvenir au résultat actuel, nous avons fait plusieurs dizaines de prototypes, et de très nombreux calculs et études. Cela nous a occupé plusieurs années à notre rythme, nous a demandé beaucoup de patience, et a suscité également beaucoup de découragements. Cela nous a donné aussi beaucoup de joie, de rencontres et d’amitiés.En effet, nous étions convaincus, qu’avant même le choix des matériaux, c’était le choix de la disposition et de la tension des cordes, de l’assemblage et la forme du cadre, et de ce fait, de la disposition des chevilles qui conditionnait vraiment la qualité sonore de la harpe. C’était un pari audacieux et complètement à contre-courant de l’approche habituelle.Il faut largement méconnaitre l’organologie pour penser, comme vous nous en faites le reproche, que ce ne sont là que : « quelques modifications simples d’ordre technique, choix des cordes, des systèmes d’accrochage, etc, c’est à dire, ce qui se fait pour n’importe quelle harpe ».
En l’occurrence, la prouesse technique, c’est d’avoir réussi à ajouter quasiment une octave de basses en plus (lesquelles sonnent vraiment bien) tout en conservant une console droite, et la simplicité de facture, qui étaient les garants d’un prix bas. Et cela n’était réalisable que parce que nous avons repensé complètement à la fois le plan et les assemblages et travaillé sur la qualité acoustique des matériaux d’origine.
Nous estimons avoir gagné notre pari en inventant un modèle de harpe original qui allie une belle sonorité pour un coût très accessible. Les nombreux professeurs de harpe qui assistent à nos stages pour se doter d’une telle harpe et entrainent leurs élèves à les utiliser en sont les premiers ambassadeurs.
De même que le célèbre facteur espagnol Antonio de Torrès, souhaitant éprouver la validité de ses théories sur le galbe et le barrage de la table d’harmonie de la guitare, construisit en 1862 une guitare avec une caisse et des éclisses en carton  aujourd’hui conservée au Museu de la Música de Barcelone), nous voulions éprouver notre théorie sur l’importance primordiale du calcul du plan de corde sur la sonorité d’une harpe.D’ailleurs, nous avons pour projet de mettre bientôt gratuitement à disposition du public un outil de calcul de plan de cordes de harpes.D’ici là, rien n’empêche chacun de comparer les instruments et de choisir celui qui lui convient le mieux.Mais de grâce, si jamais vous touchez l’une des nôtres, n’oubliez pas de regarder aussi la harpe dite “gothique“ qui était en usage au 15e s. Notre modèle n’en a pas le « look » mais, pour ce qui est des possibilités musicales, en est, à dessein, très proche.N’oubliez pas non plus de regarder sa petite cousine directe, étonnante création d’un ami luthier qui a répondu d’une toute autre façon à la problématique que nous lui avions soumise au départ — ce qui a donné lieu pendant plusieurs années à une émulation fort constructive et amusante entre nous — l’étonnante Stealtharp.
Regardez enfin une autre petite sœur de la harpe de Dennis Waring qui, contrairement aux nôtres (et parce que ce n’est pas du tout notre projet), est conçue pour supporter des palettes la Gondor harp Sanatlari.
Toutes ces petites harpes à bas coût ont des particularités qui leur sont propres, toutes ont leur place et répondent à des besoins, des exigences et un public différents : elles ont été élaborées sur des compromis de facture.
Les luthiers ne sont pas des voleurs. Si une harpe coûte cher c’est pour de raisons de coûts incompressibles dont dépend leur qualité.  Mais si toutes les petites harpes que nous venons de citer sont si peu chères, c’est parce qu’elle sont le fruit de choix correspondant pour chacune à un projet différent. Le résultat dépend des objectifs musicaux, pédagogiques ou commerciaux que se sont fixés leurs créateurs.
Permettez-nous enfin de vous rappeler que notre invention est indissociablement liée à une association à but non lucratif, et n’a pas donné lieu à la constitution d’une entreprise. À ce titre, nous ne tirons aucun bénéfice de notre travail.  Précisons également que le Prix que nous avons reçu au Concours Lépine est un prix honorifique, et que celui que nous avons touché du  Fonds Maif pour l’Éducation  portait sur le projet éducatif global et pas du tout sur l’invention.
D’ailleurs si vous prenez la peine d’approfondir le projet, vous verrez qu’il ne s’agit nullement de « vendre » des instruments – comme vous le sous-entendez – et encore moins de faire de la concurrence à quiconque. Bien au contraire : nous rendons à la fois hommage au merveilleux travail des luthiers sans lesquels nous ne ferions rien, et souhaitons leur amener de nouveaux clients.
Nous ne proposons que des formations et n’y acceptons que les adhérents auxquels nous demandons de partager la philosophie du projet et d’accepter de faire un bout de chemin avec nous, quitte à bousculer leurs certitudes. Comme pour tout apprentissage, il faut y venir l’esprit ouvert, être prêt à mettre la main à la pâte et éventuellement à remettre en question quelques certitudes. Nos stages ne sont d’ailleurs pas réputés faciles.
Si en revanche, vous souhaitez uniquement acquérir une harpe passez votre chemin.
Sachez d’ailleurs que nous renvoyons les personnes qui veulent des kits vers D. Waring, et les personnes qui souhaitent aller plus loin dans tel ou tel répertoire, vers les luthiers et artisans dont c’est le métier, et qui leur proposeront un résultat beaucoup plus abouti.
Nos modèles de harpes sont l’un des moyens d’un projet global, solidaire, et humaniste, qui, si vous êtes, comme vous l’écrivez, soucieux de la diffusion de la musique au plus grand nombre, ne devrait que vous séduire.
Nous fournissons, en effet, un travail considérable et largement bénévole pour œuvrer à la diffusion et la démocratisation de la harpe.
Et si le succès permet de contribuer à atteindre cet objectif, alors c’est tant mieux.
Bien à vous,
Merci de nous avoir donné l’occasion de préciser ces quelques points.
Pascal Bernard et Véronique Musson-Gonneaud

 Courrier de Mr D.– 19 juillet 2017

Bonjour,
(…)
Si je comprends bien, vous avez amélioré la harpe du Docteur Waring, en lui apportant quelques modifications simples d’ordre technique, choix des cordes, des systèmes d’accrochage, etc, c’est à dire, ce qui se fait pour n’importe quelle harpe.
Mais vous n’êtes pas intervenus sur le fonds de l’invention de Waring, qui est l’utilisation de carton pour la caisse de résonance, et la simplicité extrême du triangle de bois.
Ce sont là les vrais éléments de rupture qui permettent de qualifier une « vraie invention », une « vraie innovation ». Les améliorations techniques ultérieures sont certes utiles, mais ne justifient pas de se qualifier d « ‘inventeur ».
Je suis donc plutôt surpris que vous ayez reçu un prix au concours Lépine, que vous l’ayez accepté et que vous communiquiez sur le fait d’être les inventeurs.
Je suis persuadé que les gens et les media qui ont vu votre harpe ne se sont pas concentrés sur les améliorations que vous avez apportées, mais sur l’innovation de rupture qui était d’utiliser du carton.
Or, cette innovation de rupture,  dans son extrême simplicité, vous n’y êtes absolument pour rien. En voyant votre harpe, les gens se sont extasiés sur l’invention du Docteur Waring, pas sur les quelques modifications techniques que vous avez apportées, et que personne n’a sans doute compris.
Il y a donc eu quiproquo et vous en avez profité.
Certes, tout cela n’est pas pour le profit, mais quand même, cela vous a permis de monter
un dossier Ullule, d’obtenir des subventions Maif, etc.
A mon sens, vous devriez  rendre un peu plus justice au Docteur Waring  (…)

Précisions

Nous avons jusqu’à présent 2 modèles complètement différents de harpes en carton : notre premier modèle était encore trop limité pour être convaincant à nos yeux dans d’autres répertoires que médiévaux: il n’allait que jusqu’au ré grave, et imposait, un si bémol obligatoire dans la gamme en plus du si bécarre (accord de « Mersenne »). La fabrication des cadres faisait l’objet d’un projet pédagogique avec des élèves d’un lycée professionnel. Nous ne l’avons pas diffusé hors du cercle encore très restreint de nos adhérents d’alors (une 20aine en 6 ans).
– Le modèle qui a reçu le Prix du Concours Lépine en 2016 a pallié à tous ces défauts car nous avons repensé complètement le plan, l’assemblage, les matériaux etc. Les personnes qui connaissent nos deux modèles, et plus encore les personnes qui ont connu la harpe de Dennis Waring qui nous a inspirée au tout début, peuvent témoigner du chemin parcouru.

 We are publishing here a rectification of certain facts, in response to strong criticism recently made of the work of Pascal Bernard and Véronique Musson-Gonnaud and the creation of the « harpe en carton de Pop’harpe ».

Reply to Mr D. 21st July 2017 from Véronique & Pascal

You have just sent us a very unpleasant accusatory letter (we reprint a long extract here) to which we wish to reply publicly so as to clear up any harmful misunderstandings. We are therefore taking this opportunity to reformulate essential details about our work and our model of cardboard harp.
Contrary to your accusation, we have never claimed that our invention consisted in« the use of cardboard for the soundbox, and the extreme simplicity of the wooden triangle».
However, we did consider that the use of cardboard for the soundbox was an excellent idea, since it had a very beneficial effect on the final cost, but did not have an impact on quality or performance, when compared with a wooden soundbox : in fact, this is not where our contribution lies. The acoustic qualities of cardboard have been well known for a long time. They were pointed out to us well before we had come across the Waring harps by the researchers of the LAM / CNRS (Laboratoire Acoustique Musicale / Centre National de la Recherche Scientifique).
We hold the work of Dennis Waring in great respect, and welcome the door he opened with his  Waring harp  (which is not a recent creation). We regularly remind people, during our courses and press conferences that it was this discovery which provided the spark and the energy for our research. It was the challenge of creating a harp which could be used in a musically more « classical », demanding context which, from the first, took us in a different direction from the harps of Dennis Waring. At the time, and we can guarantee this, not one instrument maker, not one harpist, took us seriously. We persevered because it was interesting, amusing and a little, we have to admit, because it was a challenge, and also, for personal reasons, because we had suffered greatly from the cost of harps. In order to achieve the current result, we made tens of prototypes, many calculations and studies. This took several years, proceding at our own pace, required much patience, and caused a good deal of discouragement. It also gained us much pleasure, many meetings and friendships. In fact we were convinced that more than the choice of materials, it was choosing the placing and the tension of the strings, the assembly and the shape of the frame and thus the placing of the pegs, which would truly condition the sound of the harp. It was a bold approach which went completely counter to the habitual approach. One must know nothing of organology to think, as you reproach us that all this added up to « a few simple, technological modifications, the choice of strings, systems for attaching the strings, in other words, what is done for any harp ».
In fact the technical achievement consisted in managing to add nearly an octave of base notes (which have a beautiful sound) while keeping a straight neck and the simplicity of manufacture which guaranteed a low price. And that was only possible because we had to completely rethink both the plan and the assembly as well as work on the acoustic qualities of the materials used. We believe we have achieved our goal, inventing an original model of harp which combines a lovely sound with an accessible price. The many harp teachers who attend our courses to acquire a such a harp and who teach their pupils to use it, are our principal ambassadors.
Like the famous Spanish instrument-maker, Antonio de Torres who wished to test his theories on the curve and fretting of the soundboard of the guitar, and built in 1862 a guitar with soundbox and sides made of carboard ​ (on display in the Muséo Musica de Barcelona), we wanted to test our theory of the primordial importance of the calculation of the string plan of a harp. In fact our currant project is to make a method of calculation for the string plan of a harp publically available. Until we achieve this, there is nothing to prevent people comparing instruments and choosing the one that suits them best. But please, if you look at one of ours, don’t forget also to look at the gothic harp in use in the 15th century. Our harp doesn’t have the same « look », but as far as it’s musical qualities are concerned, it is, by design, not far off. Don’t forget also to look at it’s direct « little cousin », the astonishing creation of a friend, and instrument-maker who has found a totally different way of solving the problem we put to him at the start, and which set off several years of constructive and amusing emulation between us, I mean the amazing  Stealtharp. Finally, look at another  little sister of Dennis Warings harp, chich, unlike ours — because that was not our project — was designed to support levers for semitones, the  Gondor harp Sanatlari
All these little low-cost harps have their own specificities, they all have a place, and meet the needs and requirements of a differing public. They have all been developed with some compromises.Instrument-makers are not thieves : If a harp is expensive, it is because of the unavoidable costs associated with their quality. But if all the little harps we have just mentioned are so cheap it is because they are the fruit of choices which correspond, for each of them, to a different project. The result depends on the musical, teaching or commercial objectives of their creators
Let us finally remind you that our invention is totally linked to a not for profit association, and has not given rise to a business. Thus we receive no profits from our work. Let us also point out that the Prize we won in the french ‘Concours Lépine’ is a purely honorific one, and the Prize we won from the  Fonds Maif pour l’Éducation  concerned the whole educational project, not the invention.
In fact, if you take the time to look closely at the project, you will see that there is no question of selling these instruments, as you imply, still less to enter into competition with anyone. On the contrary, we honour the work of the wonderful instrument-makers without whom we could do nothing, and hope to bring them new customers
We only offer training courses, and only accept members who share the philosophy of the project, and are willing to travel along with us a short way, even if this upsets their certainties. As with any form of learning, it is necessary to come with an open mind, be ready to participate, and maybe to question some preconceived ideas. Our courses do not have the reputation of being easy. If all you want is to acquire a harp, apply elsewhere.
You should also know that we send those who simply want a kit to D. Waring, and those who want to go further with a specific repertoire to the instrument-makers and artisans whose job it is, and who can offer them a more highly developed harp.
Our models of harp are one part of a global project, of human solidarity, which should interest you, if you are, as you write, concerned with the spread of music to the greatest number. We work very hard, and mainly for no financial return to promote the spread and democratisation of the harp. If our success helps achieve this objective, so much the better.
Thank you for giving us the opportunity to clarify these points.
Yours,
Pascal Bernard  & Véronique Musson-Gonneaud